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Atome civil et bombe atomique …

Comment offrir l’accès au nucléaire civil tout en empêchant l’accès à la bombe atomique ? Les traités de non-prolifération, les inspections de l’IAEA sont-ils suffisants ? La question de la prolifération, aussi vieille que le programme Atom for Peace, est d’actualité comme en témoignent les cas de l’Iran et de la Corée du Nord.

Uranium civil et militaire
L’uranium naturel est très pauvre en uranium-235 fissile. Il faut l’enrichir environ 5-6 fois (de 0,7 à 3-4 %) pour alimenter en combustible les réacteurs commerciaux. On utilise pour cet enrichissement des techniques de diffusion gazeuse ou de centrifugation. Si au lieu de s’arrêter à ces concentrations encore faibles, on poursuit cet enrichissement à près de 90 % on aboutit à l’uranium militaire des bombes atomiques. La maîtrise des techniques d’enrichissement de l’uranium est une des clés de l’accession à l’arme nucléaire.
©  IN2P3

L’argument de la dissuasion est généralement avancé quand un pays cherche à se doter de l’arme atomique. La France du Général de Gaulle y eut recours en son temps. À long terme la voie la plus sûre pour éviter la tentation de la dissuasion nucléaire est de créer un environnement international tel qu’elle perde de son intérêt. La plupart des pays développés y ont renoncé. Il en est de même hors d’Europe de pays ayant la capacité d’acquérir la bombe comme le Brésil et l’Afrique du Sud.

Plutonium militaire
Le plutonium utilisé dans les bombes atomiques est plus riche en isotope 239 que celui produit par les réacteurs civils. Il en contient plus de 93 %. Ce plutonium destiné aux bombes est généralement produit dans des réacteurs spécialisés, dits plutonigènes, comme ce réacteur du site de Tomsk-7, en Sibérie.
©  IN2P3 et CEA

Pour arriver à la bombe, il faut se procurer de l’uranium ou du plutonium de qualité militaire, c’est-à-dire presque pur en uranium-235 et plutonium-239 qui sont des isotopes fissiles. Obtenir ne serait-ce que 10 à 20 kg de ces matières stratégiques et ultra rares – la masse critique d’une bombe – est heureusement techniquement très difficile.

La voie de l’uranium consiste à isoler les 0,7 % d’isotope 235 présents dans l’uranium naturel ; celle du plutonium consiste à produire l’isotope 239 presque pur dans des réacteurs spécialement conçus.

La prolifération concerne enfin l’accès à ces matières fissiles et aux technologies très perfectionnées permettant de les produire.

Le réseau pakistanais
La voie de la centrifugation permit au Pakistan d’accéder après l’Inde à la bombe atomique. Abdul Quadeer Khan (1936-2021), le père de la bombe pakistanaise qui avait travaillé de 1972 à 1975 comme jeune ingénieur dans une usine d’enrichissement aux Pays-Bas avait ramené la technologie dans ses bagages. Considéré comme un héros national, comblé d’honneurs, le général se lança dans un trafic de centrifugeuses qu’il vendit notamment en Iran et en Libye. Démasqué en 2004, Abdul Quadeer Khan obtint le pardon du général Moucharaff après une confession publique.
© DR

Un marché noir – portant heureusement sur des quantités minimes – s’est un moment développé dans la période d’anarchie qui a suivi la chute de l’ancienne Union Soviétique. En 2004, un trafic inquiétant de centrifugeuses pour l’enrichissement de l’uranium a été démasqué dont le responsable était le père de la bombe pakistanaise.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont changé la donne. Les États-Unis sont devenus l’avocat d’actions militaires préventives. Une telle approche demande d’être pratiquée à bon escient. L’absence des armes de destructions massives qui ont justifié la guerre en Irak a semé le doute sur la bonne foi de l’Administration américaine d’alors sur un sujet aussi important.

En Corée du Nord, un régime aux abois cherche sa survie dans la voie du plutonium, procédant à un premier essai nucléaire à la fin de 2006, puis à un second en 2009 et d’autres ensuite. L’Iran a acquis la technologie de l’enrichissement et construit des installations pour alimenter des réacteurs civils tout en déniant vouloir rechercher la bombe.

Indépendamment de ses aspects politiques, la tentative iranienne allait à l’encontre d’un scénario avancé aux États-Unis qui réservait l’accès aux technologies avancées et proliférantes (fabrication du combustible et retraitement) à quelques nations. Ces nations triées sur le volet fourniraient aux autres le combustible neuf et récupèreraient leur combustible irradié.

En sera-t-on réduit à ce partage inégalitaire du monde pour lutter contre la prolifération ? Pour l’éviter, il est indispensable de régler équitablement les conflits qui sont source d’instabilité et nourrissent la tentation du recours à la dissuasion nucléaire pour se faire respecter. Les États-Unis et les puissances occidentales prônent une approche musclée, basée sur des sanctions, et pouvant aller jusqu’à des actions militaires, mais au final un monde organisé, en paix et juste est la meilleure garantie contre les risques de prolifération.

ANNEXE :  Enrichissement, perspectives