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Un flux de neutrons issus de la fission nucléaire

Les désintégrations radioactives avec émission de neutrons sont excessivement rares. Dans notre environnement, la principale source naturelle est le bombardement de l’atmosphère par le rayonnement cosmique. C’est ainsi que des neutrons ainsi produits interagissent avec les noyaux d’azote de l’air et sont à l’origine du carbone-14, un noyau radioactif naturel.

Pour qu’un noyau émette spontanément des neutrons, il faut qu’il soit très excédentaire en neutrons ou très lourd. Citons, le cas du californium-252, un noyau ultra-lourd avec 14 nucléons de plus que l’uranium. Le californium-252 est utilisé comme source de neutrons, notamment pour le démarrage de réacteurs. Les fissions spontanées de noyaux lourds sont aussi sources de neutrons, mais avec des probabilités de l’ordre du millionième pour des éléments naturels comme le thorium-232, les uraniums 238 et 235.

Pourquoi dans ces conditions s’intéresser aux neutrons et à leur devenir dans la matière ? Si le rôle des neutrons naturels est minime, par contre ils sont les agents de la fission nucléaire, de ses applications militaires et civiles, des bombes atomiques aux réacteurs producteurs d’énergie.

Surtout du vide pour les neutrons …
Quand il traverse la matière, un neutron ne voit que les noyaux d’atomes. Les cortèges électroniques lui sont transparents. Pour la compréhension de la figure, le neutron et les noyaux ont été grossis, mais à l’échelle de l’atome ils sont aussi petits qu’un point. Le neutron ne rencontre pratiquement que du vide, ce qui explique que le rayonnement neutronique soit particulièrement pénétrant.
© IN2P3

Les neutrons de la fission nucléaire

Le comportement des neutrons dans la matière et plus particulièrement au cœur des réacteurs est l’objet d’une science, la neutronique.

Le neutron libre est une particule instable, de période 10,2 minutes, absent pour cette raison de l’environnement naturel. Dans un milieu dense, un neutron sera capturé bien avant qu’il ne se désintègre, rendant souvent le noyau formé radioactif et dans certains cas déclenchant une réaction nucléaire. C’est le cas en particulier des neutrons dans le combustible fissile des réacteurs.

Les neutrons sont des particules neutres uniquement sensibles aux forces nucléaires. Elles traversent allègrement les cortèges électroniques des atomes rencontrés. Elles interagissent par contre fortement avec les noyaux. Mais les noyaux sont tout petits et le rayonnement neutronique est encore plus pénétrant que le rayonnement gamma. L’interaction la plus fréquente est une simple collision, dite élastique. Il arrive aussi, lors de ces collisions que le neutron soit capturé. La capture peut s’arrêter là ou provoquer une réaction nucléaire.

Partie de billard
Un neutron subit dans la matière une série de collisions dites « élastiques » contre des noyaux. Il transmet son énergie aux noyaux qui reculent sous le choc (le parcours du neutron entre deux collisions, devrait être invisible). Le ralentissement est le plus rapide dans une matière hydrogénée où les noyaux de reculs sont des protons de masse égale au neutron. Ce sont les noyaux de recul qui ionisent et produisent des effets secondaires car ils sont chargés. Le neutron finit par être capturé par un noyau qui peut alors devenir radioactif : la matière est activée. Dans des cas particuliers comme l’uranium-235 ou le plutonium-239, la capture déclenche l’explosion du noyau : c’est la fission.
© IN2P3

Une suite de collisions puis une capture …

Les neutrons issus d’une fissions ont une énergie de l’ordre du MeV (million d’électronvolts). Ils sont dits rapides. Pour qu’ils puissent provoquer une seconde fission et entretenir la réaction en chaîne, ils doivent être beaucoup ralentis dans la plupart des réacteurs et devenir des neutrons lents.

Les neutrons ralentissent lors des collisions avec les noyaux auxquels ils cèdent une partie de leur énergie. En reculant, ces noyaux ionisent la matière environnante. Le ralentissement est rapide dans un milieu modérateur riche en hydrogène où le neutron peut même perdre, avec de la chance, toute son énergie lors d’une collision unique ! Le résultat de cette série de collisions est un parcours erratique qui dans l’air peut être long.

Une fois le neutron capturé, le noyau réagit en émettant généralement un gamma de désexcitation. La capture laisse souvent le noyau dans un état instable, radioactif.

La probabilité – appelée section efficace – de cette capture varie énormément avec l’énergie et la nature du noyau. À des énergies caractéristiques du noyau, le neutron entre en résonance quand il passe à proximité et se retrouve absorbé. Tout se passe comme si le noyau devenait soudain très gros. Le phénomène rappelle ce qui se passe dans un instrument de musique qui entre en résonance à certaines fréquences. L’énergie des neutrons joue ici le rôle de la fréquence.

Dans un réacteur nucléaire traditionnel, il s’agit de ne pas perdre de façon intempestive des neutrons. Il faut éviter, lors du ralentissement, ces noyaux pourvus de trop d’appétit et ces énergies résonantes. Le choix des matériaux devient critique.

Le flux neutronique est abondant et dangereux à proximité du cœur des réacteurs. Les captures sont alors recherchées pour la radioprotection. On inclut intentionnellement dans les barres de contrôle et les matériaux de blindage des noyaux friands de neutrons lents comme le cadmium et le bore-10. De même, on bride la réactivité d’un réacteur quand sa charge de combustible est neuve en ajoutant du bore dans l’eau du modérateur. Cette eau « boriquée » tempère les réactions de fission. La quantité de bore-10 diminue au cours du fonctionnement, en même temps que le réacteur, dont le combustible qui s’émousse a de moins en moins besoin d’être bridé.

L’effet du rayonnement neutronique subsiste après une capture. Le noyau qui a capturé un neutron supplémentaire est généralement instable. Les éléments mécaniques irradiés dans le cœur des réacteurs deviennent radioactifs. Les captures engendrent aussi dans le combustible des radioéléments plus lourds que l’uranium, comme le plutonium et les actinides. On extrait également de réacteurs des radioéléments utiles en vue d’applications médicales ou industrielles.