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Produire de l’énergie à partir de la fission

Le premier réacteur nucléaire fut construit durant la seconde guerre mondiale sous les gradins des tribunes du stade de football de l’université de Chicago. Sous ces gradins se montait, dans le plus grand secret, un édifice à base de graphite et d’uranium naturel auquel on donna le nom de pile atomique, car il s’agissait d’un véritable empilement de barres de graphite, dont certaines évidées contenaient de l’uranium. Le graphite servait de modérateur, l’uranium de combustible. Cette pile atomique, conçue par une équipe de physiciens dirigée par Enrico Fermi, divergea (des réactions en chaîne se produisirent) le 2 décembre 1942.

Après ce premier pas, plusieurs réacteurs furent construits dans la zone désertique de Hanford dans l’État de Washington. L’objectif était alors de produire le plutonium des premières bombes atomiques. Puis, des réacteurs embarqués pour la propulsion des sous-marins furent développés et mis en service avec le lancement en 1954 du premier sous-marin nucléaire au monde, le Nautilus. Le Nautilus frappa les esprits en réussissant à parcourir, à des vitesses inconcevables pour un sous-marin conventionnel, une distance équivalente à deux fois et demie le tour de la terre tout en ne consommant que quelques kilogrammes du précieux uranium-235.

C’est à la suite de ce succès que furent conçus dans les années 1950 les premiers réacteurs à des fins civiles destinés à produire de l’électricité. Développés dans le cadre du programme Atoms for Peace du Président Eisenhower (1953), ils sont les héritiers des prototypes de réacteurs de propulsion navale.

La pile Zoé
Irène Joliot-Curie, Maurice Surdin et Francis Perrin au tableau de commandes lors de l’inauguration de la pile Zoé au fort de Châtillon. Zoé, la première pile atomique française, divergea le 15 décembre 1948.
© Musée Curie (collection ACJC)

On dénombrait dans le monde, en 2014, 437 réacteurs en activité, lointains héritiers de la pile d’Enrico Fermi et des réacteurs de Hanford. Ces réacteurs fournissent aujourd’hui 17 % de l’électricité mondiale, soit une puissance installée de 378 Gigawatt (GW). La puissance électrique d’un réacteur est de l’ordre de 1 GW. Les États-Unis possèdent le plus de réacteurs : 99, suivis de la France 58.

La part du nucléaire varie beaucoup d’un pays à l’autre. En Europe, c’est en France que cette part la plus importante (77 %), suivie de la Belgique. Elle est de 17,2 % en Angleterre, de 15,8 % en Allemagne et de 18,6 % en Russie. Hors d’Europe, elle est relativement faible (19,5%) aux États-Unis riches en ressources fossiles, mais importante au Japon (33 %) qui en est dépourvu.

Soixante-huit réacteurs étaient en construction en 2015. Les pays qui s’appuient le plus sur le nucléaire pour leur développement futur sont la Chine, la Corée et l’Inde.

Implantation des centrales nucléaires françaises
Carte des centrales nucléaires françaises au 1er janvier 1998. Au total, 58 unités ou tranches de la filière à eau pressurisée étaient en production en 2005. Onze tranches de filières plus anciennes étaient définitivement arrêtées : la centrale à eau lourde des monts d’Arrée et les 10 tranches de la filière à uranium naturel graphite-gaz (Bugey, Chinon, Saint-Laurent-des-Eaux, Marcoule et Chooz). SUPERPHENIX, le réacteur surgénérateur de Creys-Malville a été arrêté mais son prédécesseur PHENIX à Marcoule a fonctionné jusqu’en 2011. Les deux unités REP de Fessenheim ont été arrêtées en 2020.
© Source EDF

La production d’énergie est assurée par des réacteurs dits conventionnels, qui utilisent un combustible à l’uranium naturel ou enrichi à 3-4 % en uranium-235 fissile. Les réacteurs à l’uranium enrichi sont de loin les plus répandus. Les réacteurs les plus anciens à l’uranium naturel utilisaient de l’eau lourde ou du graphite pour ralentir les neutrons. Avec du combustible enrichi à 3-4 %, on peut employer de l’eau ordinaire pour ralentir les neutrons et évacuer la chaleur. Pour employer le langage des spécialistes de l’atome, cette eau joue à la fois le rôle de modérateur et de caloporteur.

Deux types de réacteurs fonctionnent avec un tel combustible : les réacteurs à eau bouillante et les réacteurs à eau pressurisée. En Europe, 80 % des réacteurs sont du type à eau pressurisée PWR (Pressurized Water Reactor) ou REP en français. Le retraitement des déchets nucléaires permet depuis quelques années d’introduire du plutonium dans le combustible et de recycler cet élément pour produire de l’énergie.

Centrale de Paluel
Cette photographie de la centrale de Paluel, en Haute-Normandie, mesure le chemin parcouru en quarante années depuis la pile Zoé. Composée de quatre gros réacteurs (ou tranches) d’une puissance de 1,3 millions de kilowatts électriques, cette centrale symbolise la maîtrise industrielle acquise durant ces quatre décennies par la filière des réacteurs REP à eau pressurisée.
© LA MEDIATHEQUE EDF / MARC MORCEAU

Actuellement, un petit nombre de réacteurs utilisent des neutrons rapides (RNR). SuperPhénix, le premier réacteur ayant atteint le seuil industriel, était français, mais fut arrêté en 1997. En 2016, la Russie, a mis en service un nouveau réacteur à neutrons rapides, le BN-800. L’Inde devrait suivre avec le PFBR (Prototype Fast Breeder Reactor) un réacteur de 500 MWe qui pourrait ouvrir la voie de réacteurs au thorium. Les réacteurs à neutrons rapides qui peuvent être surgénérateurs (breeders) sont décrits dans le chapitre sur la surgénération et les RNR.


Voir aussi :

La réaction en chaîne
Parc nucléaire mondial (production d’électricité)  : Connaissance des Energies

Zoe et naissance de l’Industrie Nucléaire française : article RGN, 2024
Histoire de l’électronucléaire en France : Connaissance des Energies
Académie 235 : Dossiers explicatifs de la Société Française d’Énergie Nucléaire sur les réacteurs nucléaires