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Du projet Manhattan à la dissuasion nucléaire

Il est parfois fait grief aux pionniers de l’atome d’avoir été à l’origine de Hiroshima et de Nagasaki. Si Rutherford n’avait pas découvert le noyau, Chadwick le neutron, et si Otto Hahn n’avait pas fissionné l’uranium en 1938 il n’y aurait pas eu de bombes atomiques !

C’est oublier que le noyau, le neutron, l’uranium font partie de la nature, que la fission est un phénomène qui aurait été découvert un jour ou l’autre. C’est oublier aussi que la décision de larguer les bombes sur les deux villes japonaises échappait aux physiciens. Si l’arme atomique n’avait pas été disponible en 1945, elle l’aurait été plus tard et la tentation aurait été bien forte de l’utiliser en d’autres lieux, dans d’autres guerres.

Notre propos n’est pas de nous étendre sur ces évènements tragiques qui ont marqué le siècle écoulé. Tout a sans doute été dit et ce serait sortir du sujet. Nous évoquerons seulement Nagasaki à travers quelques documents inédits en Europe.

La bombe d’Hiroshima
Paul Tibbets, le pilote de l’ENOLA GAY, l’avion qui largua, le 6 août 1945, la première bombe atomique sur Hiroshima est resté convaincu d’avoir au total économisé des vies japonaises (sans compter celles des soldats américains) en rendant inutile l’invasion du Japon. Mais l’usage aveugle des bombes atomiques sur des populations civiles a bien davantage marqué l’inconscient collectif de l’humanité.
© U.S. Army photo/ courtesy of the Hiroshima Peace Culture Foundation.

Notre propos sera surtout de décrire les conséquences civiles du nucléaire militaire. La principale prévaut 60 ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Malgré cinq décennies d’affrontements idéologiques sans précédents, le recours à l’arme atomique a été évité. L’épée de Damoclès demeure, mais les traités de non-prolifération existent dont on peut déplorer les insuffisances mais qui ont été ratifiés par la majorité des nations.

Portes-avions et sous-marins nucléaires
Certains réacteurs utilisent un combustible hautement enrichi et comportant du plutonium. Ils servent à propulser des sous-marins, porte-avions et brise-glace, assurant leur autonomie. Ces navires n’ont pas besoin de se ravitailler en combustible pendant des années. Les réacteurs embarqués sont compacts. En France, les combustibles usés en provenances des réacteurs embarqués de la Marine Nationale sont traités dans une unité à part de l’usine de la Hague.
© CEA/DAM

En comparaison, les retombées de poussières radioactives résultant des essais d’armes atomiques auxquels ont procédé les Etats-Unis, l’Union Soviétique et les autres puissances nucléaires ont eu des incidences mineures. Ces essais remontant principalement aux années 1960, leurs effets se sont atténués. L’industrie militaire, les réacteurs de porte-avions et de sous-marins produisent également des déchets radioactifs qui ne sont pas fondamentalement différents de ceux du nucléaire civil.

On doit au président américain Dwight Eisenhower, probablement le plus pacifiste des généraux de la seconde guerre mondiale, d’avoir proposé l’usage de l’atome à des fins civiles en 1953. L’initiative “Atoms for peace” est à l’origine du développement de l’énergie nucléaire. Seul un petit nombre de nations ont atteint à ce jour la maîtrise technologique requise pour cette source d’énergie. D‘autres comme l’Iran y aspirent.

Bunkers pour le plutonium
Le nucléaire militaire, c’est aussi l’uranium et le plutonium de qualité militaire qui rentrent dans la confection des bombes atomiques. Ces matériaux hautement sensibles sont conservés dans des lieux ultra protégés comme ces bunkers servant à stocker du plutonium aux États-Unis. La surveillance de ces bunkers qui assurent une protection parfaite à l’échelle de quelques dizaines d’années coûte cher. Ils ne sont pas éternels et c’est une des raisons pour laquelle les États-Unis et la Russie ont entrepris de réduire leurs arsenaux.
© DOE

L’avenir du nucléaire civil est intimement lié au problème de la prolifération, l’uranium ou le plutonium pouvant être purifiés pour la fabrication de bombes. Les techniques requises sont heureusement très complexes et sont réglementées au niveau mondial par des traités de non-prolifération. L’amélioration de l’efficacité de ces traités et des systèmes de contrôle est impérative.

Reste enfin le problème du démantèlement des arsenaux nucléaires hérités de la guerre froide. Les Etats-Unis et la Russie se sont mis d’accord pour détruire ce qu’ils appellent leur “surplus”. Il s’agit d’une réduction substantielle, bien qu’insuffisante. Il a été décidé de reconvertir, en les brûlant dans les réacteurs, l’uranium et le plutonium de qualité militaire de ces surplus. La reconversion la plus facile, celle de l’uranium, est bien entamée. Pour le plutonium, le programme devait démarrer après 2007.

Ces réductions sont insuffisante. Les puissances du club atomique qui avaient obligation de réduire bien davantage leurs arsenaux sont les premières à faire la sourde oreille et à ne pas respecter ces clauses des traités de non-prolifération. Aux Etats-Unis, les milieux militaires du Pentagone demandent des crédits pour développer de nouvelles armes.