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Uranium-234 et thorium-230 …

Les ruptures de l’équilibre radioactif dans un milieu permettent de mesurer des temps beaucoup plus courts que l’âge de la terre comme celui de couches de sédiments dans les océans  ou de bancs de corail.

Coraux polynésiens
Barrière de colonies coralliennes de l’ile de Mooréa en Polynésie. Les coraux vivants assimilent durant leur croissance l’uranium présent dans l’eau de mer et non le thorium : après leur mort, le thorium (de période 80 000 ans) créé par la désintégration de l’uranium, s’accumule dans les cristaux d’aragonite qui forment leur squelette, et le rapport entre l’uranium et le thorium 230 donne l’âge du corail.
© CNRS

L’uranium naturel contient environ 54 grammes par tonne d’uranium-234 qui se désintègre en thorium-230. La présence de ces deux éléments issus de la filiation radioactive de l’uranium-238, sont à l’origine de datations dans le milieu marin. Le thorium qui est insoluble tombe sur le fond de l’océan. La filiation radioactive de l’uranium-238, interrompue dans l’eau de mer, se poursuit dans les couches de sédiments. Le thorium-230 dont la période est de 75000 ans, s’enfonce ensuite avec ces couches. En prélevant des carottes dans les couches de sédiments on peut déterminer l’âge des dépôts à partir de leur contenu en thorium-230.

Les coraux vivent eux au ras de l’eau. La présence de coraux fossiles témoignent du niveau de l’océan dans des temps anciens.

On utilise, pour dater des coraux dont l’âge remonte à moins de 350000 ans, une méthode basée sur l’apparition progressive de cet isotope  du thorium, le thorium-230 dans les coraux morts. De l’uranium dissous est présent en petite quantité dans l’eau de mer, mais le thorium insoluble en est absent.

Vivant près de la surface de l’océan, le corail assimile l’uranium dissous par l’intermédiaire de carbonates. C’est ainsi qu’à sa mort, l’organisme dispose d’un minuscule stock d’atomes d’uranium-234 mais pas d’atomes de thorium-230, partis se déposer au fond de l’océan..

L’apparition de thorium survient après cette mort. Elle est fonction du temps écoulé depuis cet instant. Elle provient de la désintégration radioactive de l’uranium-234,  isotope de l’uranium –  présent en très petite quantité dans le corail vivant.

Activité du thorium-230 dans un corail
L’accumulation dans un corail du thorium-230 radioactif résulte des désintégrations de l’uranium-234. L’uranium-234 est lui-même en équilibre radioactif avec son noyau ancêtre, l’uranium-238. Les activités de ces deux uraniums sont constantes et égales à l’échelle de temps considérée. Au sein du corail, nourri par une source constante, le thorium-230 augmente jusqu’à ce que le nombre de noyaux qui se désintègrent équilibre le nombre de noyaux qui se forment. Il faut environ 400 000 ans pour atteindre l’équilibre. Tant que l’équilibre n’est pas atteint, la mesure du rapport des activités du thorium-230 et des uraniums fournit l’âge du corail.
© IN2P3

Cet uranium-234 se transforme progressivement en thorium-230. Lentement, car les périodes radioactives sont longues. Il faut au corail environ 400 000 ans pour retrouver un nouvel « équilibre radioactif » , un laps de temps qui couvre l’époque géologique du quaternaire. La mesure du rapport des activités du thorium-230 et de l’uranium-234 ou 238 donne l’âge d’un corail.

En mesurant l’âge de bancs de corail fossiles, sortis de l’eau ou immergés, on arrive à suivre les variations du niveau de l’océan lors des deux derniers cycles glaciaires. On remonte ainsi à près de 300 000 ans en arrière.

NB : La méthode uranium-thorium mise au point en 1955 sur les coraux (Potratz et al.), qui sont des carbonates marins, s’applique aussi au cas des carbonates continentaux : stalagmites, planchers stalagmitiques, travertins. Une variante de la méthode est utilisée pour la datation des dents et des ossements fossiles.