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Un projet français de démonstrateur d’un réacteur au sodium

Dans le cadre des études internationales sur les futurs réacteurs de Génération IV, les réacteurs rapides au sodium (RNR-Na ou SFR pour Sodium Fast Reactor) sont l’objet d’un regain d’intérêt. Comme leur nom l’indique, ces réacteurs à neutrons rapides utilisent le sodium liquide comme milieu caloporteur pour évacuer la chaleur. Ce sont des réacteurs surgénérateurs à même de transformer par capture de neutrons l’uranium-238 du combustible en Plutonium-239 fissile (c.à.d. à produire à terme autant ou plus de matière fissile que dans le combustible initial).

Principes d’un réacteur rapide au sodium de quatrième génération.
Pour éviter la proximité du sodium de la cuve avec de l’eau, la chaleur dégagée dans le cœur est évacuée grâce à un échangeur de chaleur vers un circuit secondaire également de sodium. Selon ce schéma général, ce sodium secondaire vaporise de l’eau dans un générateur de vapeur externe à la cuve. La vapeur entraine ensuite une turbine et un alternateur pour produire de l’électricité. Dans le cas d’ASTRID, le circuit d’eau et de vapeur serait remplacé par de l’azote sous-pression pour éviter tout risque d’interaction du sodium et de l’eau.
© Forum Génération IV

Quelques réacteurs de ce type ont fonctionné dans le passé et fonctionnent encore. La France a acquis, à travers l’expérience de Phénix et de Superphénix, une bonne connaissance de cette technologie. Elle dispose de retours d’expériences sur leur conception et leur fonctionnement. Les espoirs de brûler complètement les déchets comme les actinides mineurs, les caractéristiques du sodium liquide et les avantages potentiels très importants de la surgénération ont remis au goût du jour ce type de réacteurs.

Le combustible employé le serait sous forme de pastilles constituées d’un mélange homogène d’oxydes d’uranium et de plutonium à raison d’environ 80 % d’uranium 238 (U238) et 20 % de plutonium 239 (Pu239).

Plusieurs prototypes sont en construction dans le monde (USA, Russie et Japon). En France, un projet de démonstrateur appelé ASTRID est en cours d’étude d’évaluation financière. Le CEA en est le maître d’ouvrage. ASTRID signifie Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration. La puissance envisagée pour ASTRID est de 500 -1000 MWe. Sa réalisation était prévue à Marcoule à partir de 2020.

Le choix des neutrons rapides fixe la nature du liquide caloporteur à utiliser pour refroidir le cœur du réacteur. Ne devant pas ralentir les neutrons, ce fluide ne peut être de l’eau comme dans les réacteurs classiques. D’autres critères comme la viscosité, la corrosivité ou les propriétés thermiques doivent être pris en compte. Le meilleur choix possible semble être le sodium liquide porté à des températures de 200 à 550 °C. Une alternative est celle d’un refroidissement à l’hélium à haute pression.

Le cœur du réacteur : une réactivité maîtrisée
Un nouveau concept, celui du Cœur à faible vidange (CFV), améliorerait la sûreté en cas d’accident de perte globale de refroidissement. Il s’agit d’éviter l’ébullition du sodium. Ce concept favorise la fuite des neutrons hors du cœur en cas d’accident pour ainsi réduire la réactivité du cœur. Par ailleurs, en cas de fusion du combustible et des gaines métalliques qui l’entourent, le magma très chaud qui se forme (+ de 2 000 °C), appelé corium. serait récupéré, grâce à un dispositif placé au fond de la cuve, pour l’étaler et le refroidir afin d’éviter tout problème d’emballement de la réaction en chaîne.
© Défis du CEA N°172

Les défauts du sodium demandent à être corrigés dès le stade de la conception. Le sodium s’enflamme au contact de l’air et de l’eau. Pour limiter les conséquences d’une mise en contact accidentelle de ce métal liquide avec l’eau, les ingénieurs du CEA remplaceraient le générateur de vapeur usuel servant à produire de l’électricité par un circuit et une turbine fonctionnant à l’azote pressurisé. Les risques d’incendie, liés à une fuite de sodium dans le bâtiment et à un contact avec l’air, seront limités par le casematage ou l’inertage (une atmosphère d’azote) des locaux les plus exposés. Les ingénieurs développent aussi un cœur dit hétérogène pour éviter une hausse de réactivité du cœur en cas de vidange du sodium.

Un échangeur Sodium-Gaz
Le sodium réagissant fortement avec l’eau, un générateur de vapeur classique actionnant une turbine d’alternateur productrice d’électricité pourrait être source d’accidents. Dans le cas d’ASTRID, la vapeur d’eau du circuit secondaire serait remplacée par de l’azote sous pression. La chaleur du sodium du circuit secondaire serait transférée à cet azote qui en se détendant ferait tourner les turbines productrices d’électricité.
© Défis du CEA N°172

Quelles étaient les étapes prévues ? Depuis l’origine en 2010, le CEA était maître d’ouvrage d’ASTRID. En cas de feu vert, la phase de « l’avant-projet sommaire » devait se poursuivra jusqu’à son terme, en 2014. Elle était suivie, de 2015 à 2017, d’une étape « d’avant-projet détaillé », qui aurait permis de démarrer la construction à partir de 2017, pour une mise en fonctionnement aux alentours de 2023. Le CEA a bénéficié pour cette phase d’étude, qui a débuté en 2010 et s’achèvait en 2017, d’une aide de 650 millions d’euros sur l’enveloppe de 1 milliard d’euros allouée au nucléaire du futur. Les compétences du CEA sont reconnues mondialement. Avec ASTRID, il devait innover, notamment sur le plan de la sûreté et rompre, sur ce point, avec ses prédécesseurs.

Abandon d’ASTRID : En raison de la lourdeur de l’investissement et de sa rentabilité économique, le projet a été l’objet de controverses. À la suite de contraintes budgétaires et peut être des sautes d’humeur de ceux qui nous gouvernent, le CEA a proposé en 2018 une réduction de la puissance du réacteur à 100–200 MWe, puis a abandonné le projet à l’été 2019.

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